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RIDEAU

De la lumière dans une salle. Les spectateurs s’assoient à leurs places dans le bourdonnement général. Les lumières s’estompent et une obscurité quasi totale envahit le public et l’estrades. On assiste à une interminable minute de silence et d’obscurité absolus. Puis, la lumière illumine soudain le rideau fermé. La lumière se réduit.

On se focalise sur une sorte de cible dans la partie centrale du rideau. Une autre minute de silence passe avant que quelque chose advienne: le centre du rideau bouge.


Les plis du velours se séparent en se contorsionnant, une force mystérieuse en prend pos-session. Un mouvement rotatif en ressert le centre en enroulant le tissu sur lui- même. L’unité verticale du majestueux rideau s’en ressent moins. C’est un broiement viscéral, austère dans sa lenteur. Le tourbillon inexorable fait participer toujours plus l’ensemble; les côtés, défigurés, engloutis vers le centre qui est désormais tel un gouffre aigu et profond. Le mur cède, le noir de l’arrière de la scène s’unit à celui de la salle. Le velours désormais totalement broyé par la rotation intérieure se libère complètement de ce qui le soutenait. Au centre de la scène: un cœur creux de velours. Le mouvement s’interrompt; les plis, la contraction, les spasmes cessent. Un drapé silencieux gît au centre de la scène vide. Puis un bruit sourd, le drap tombe, le bois de la scène recueille le tissu vaincu. Le rideau et sa rébellion sont morts. L’œil de bœuf s’éteint. Obscurité. Le rideau se lève: la pièce commence. Le rideau est l’élément par excellence commun à n’importe quel type de représentation théâtrale, ce qui donne une certaine légitimité à la mise en scène et à la représentation elle même. Si il y a un rideau qui s’ouvre et se ferme, alors nous sommes au théâtre. Le spectacle – quel qu’il soit – à tous les atouts requis, au moins formellement, pour commencer et finir. Un point d’honneur a priori, ainsi, pour l’éducation, pour la forme, justement. On se retrouve dans tous les cas à attendre, derrière ou devant un rideau. Rituel du diaphragme, de choses qui s’ouvrent, parlent, se ferment et se taisent.

La pièce commence avec une mort célèbre et constitutive. Le suicide de la chose. Non seulement le rideau s’effondre, mais aussi tout le reste avec lui. Le spectateur scoliotique se ravive, il comprend soudain qu’il n’est pas face aux registres habituels. L’attention, le niveau d’écoute s’aiguise sensiblement. Une unicité est soudainement marquée. L’objectif est de poser les bonnes bases pour une écoute. C’est un travail qui entend instaurer la parole en liberté, qui croit en un “autre” discours. C’est un hors d’oeuvre prometteur, l’attaque savoureuse d’une chanson avec quelques strophes encore à compléter, le renvoi d’un orgueil ancien de l’homme pour une tradition, un métier, un art qui réfléchit sur lui-même et qui se complète avec la pièce qui est sur le point de commencer.

Fiche technique Salle de théâtre, rideau, moteur et installation électrique.

copyright@werthergasperini

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